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mercredi 20 juin 2012

# Chronique apotropaïque # 003 - Adoptez des Lombrics !

En entrant dans le restaurant, on ne s’attendrait pas à trouver un bac à compost grouillant de vers de terre au pied du porte-manteau. Le lieu, poutres et pierres apparentes, tables en bois et plantes vertes luxuriantes, est une chic auberge du 1e  arrondissement de Paris.

Ici, pourtant, cuisine traditionnelle et recyclage écologique font bon ménage.
M. Moulinot, un pseudonyme, patron de l’établissement, à 41 ans est le maître des lieux depuis une dizaine d’années.

M. Moulinot dans son restaurant

Le bac en inox de la taille d’une grande caisse à vin, arbore le logo « Moulibox ». En soulevant le couvercle pour me montrer l’intérieur du bac et son contenu fourmillant de vers, il me dit d’un air malicieux : «On me demande souvent de quoi il s’agit, alors j’ouvre la boite et ça donne l’occasion d’évoquer le sujet du lombricompostage. » La clientèle de M. Moulinot est très variée, entre touristes de passage et habitués, professions libérales ou mannequins : «  … il n’y a pas de gêne à parler du « caca » des vers et tous se sentent concernés … ou presque ! »

Le compost, il déclare être « tombé » dedans en 2009. Comment en est-il venu là ? En se posant la question du recyclage des déchets organiques produits par son restaurant. « Je ne suis pas écolo, mais j’ai une bonne conscience, il m’arrive de rouler en scooter, mais je trie le carton, les bouchons en plastique et le verre, ce qui n’est pas très courant à Paris, souvent par manque de place », explique-t-il en évoquant sa difficulté à obtenir des bacs de tri sélectif auprès de la Mairie de Paris. Je fais des efforts et j’essaye de sensibiliser mes clients dans ce sens ».

Au fond de la salle de restaurant, un escalier de pierre mène à la cave, l’odeur d’humidité caractéristique des sous-sols parisiens rappelle que nous sommes en ville. Nous passons une première pièce encombrée de frigos et de diverses denrées périssables pour aboutir dans une seconde salle plus petite dont les murs sont garnis de casiers à bouteilles. Là au sol reposent deux grands bacs remplis de compost en cours de formation.
Inquiet des normes d’hygiène liées à la restauration, notre maître composteur s’est posé la question de la législation dans ce domaine, découvrant qu’un réel vide juridique persistait sur ce registre. Alors il a décidé de lui même, de convoquer les services d’hygiène pour qu’ils prennent connaissance de la situation et qu’ils lui disent ce qu’ils en pensent : «  J’ai du insister un peu pour qu’ils se déplacent, mais finalement ils sont venus, ils ont vus, je leur ai expliqué ce que je faisais dans ma cave et là à ma grande surprise, ils m’ont dit « Monsieur, c’est génial ce que vous faite, bravo ! »

Le bac à lombricompost

Notre hôte se fait un malin plaisir à retourner l’humus à pleine main pour montrer ses petites bêtes au travail : « Il faut surveiller de temps en temps le degré d’humidité et la quantité de matière à disposition sans surcharger la boite ». Finalement assez peu d’entretien est requis, juste un peu de surveillance pour obtenir un bon équilibre propice au travail des lombrics. Vous pouvez partir trois semaines ou un mois, si votre caisse a été préparée avec une feuille de carton au fond pour garder l’humidité, les vers se débrouillent seuls. C’est un des avantages.
Au final on obtient du lombricompost de première qualité pour les plantes, en témoignent les spécimens qui prospèrent à l’entrée du restaurant.
Avec ses 10 à 15 kg de vers, c’est près d’un quart des déchets organiques occasionnés par le restaurant, soit environ 350 kg de déchets par an qui sont digérés et recyclés en compost. Bien sur il y a les épluchures de végétaux mais aussi les restes de légumes cuits, le marc de café ainsi que les boites à œufs en carton et certains emballages.

M. Moulinot et sa Moulibox

Mais M. Moulinot ne se contente pas de recycler les déchets du restaurant car il a aussi créé un mini composteur d’intérieur spécialement dédié au lombricompostage. « J’ai cherché une idée pour que la boite à compost devienne un objet décoratif. Alors j’ai créé la « Moulibox », c’est une boite à biscuit en métal de 20 cm de côté, avec un filtre anti poussière d’ordinateur sur le dessus pour laisser la boite respirer et le tout est recouvert d’une couche de peinture thermo laquée aux normes scolaires. Il existe actuellement quatre coloris : noir, vert, rose et la toute nouvelle en rouge. L’an dernier on en a vendu près de mille, c’est un produit artisanal et le but n’est pas d’en vendre beaucoup mais cela fait quand même plaisir, ça prouve que les gens s’y intéressent »

La « Moulibox » a sa place n’importe où : une table, un bureau, dans un salon, une cuisine… Parmi ses convertis, figurent des clients, sur une étagère trônent quelques boites : « Certains de mes clients réguliers préfèrent que je garde leur boite ici, alors quand ils viennent, c’est eux qui nourrissent leur vers avec leur propres restes, c’est assez marrant, ça crée un lien, ils ont leur boite à vers comme d’autres auraient leur rond de serviette. »

Alors, des lombrics comme animaux de compagnie, pourquoi pas, et c’est plus écologique qu’un poisson rouge !

Le ver du fumier (Eisenia fetida)

Le ver de terre est il l’avenir de l’homme ?

Les vers de terre sont apparus il y a 700 millions d’années.
Avec plus de 4000 espèces, ils représentent 70 % de la masse totale de tous les animaux terrestres, hommes compris. On en trouve dans le monde entier, sauf dans les régions polaires et les déserts. Ils peuvent mesurer de quelques centimètres à 3 m comme en Australie !
Le ver de terre est hermaphrodite et pond des œufs, il peut vivre jusqu’à 6 ans en milieu naturel. Il respire par la peau, n’a pas d’yeux mais est très sensible à la lumière. Il a l’ouïe très fine, ce qui lui permet d’entendre s’approcher ses prédateurs. Son corps est constitué d’anneaux avec une bouche et un anus reliés par le tube digestif.
On en trouve de une à cinq tonnes par hectare de terrain. Le sol d’une prairie est entièrement passé par les intestins des lombrics qu’il abrite, en dix ans. Un sol sans ver de terre est un sol qui ne se renouvèle pas. Il favorise l’apport de l’humus par sa digestion des éléments organiques mais contribue également à une bonne circulation de l’eau dans le sol en creusant des galeries. Un mètre cube de terre contient cinq cent mètres de galeries qui permettent un écoulement de 170 ml d’eau à l’heure.
Les inondations du Sud de la France sont en grande partie dues à une diminution du nombre
de vers de terre à cause des pesticides utilisés dans les vignes.


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